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[Chronique de lecture] La princesse noire, Serge Brussolo

Serge Brussolo est un conteur qui sait savamment faire revivre pour le lecteur les temps passés en leur donnant toute la saveur et la surprise d’une première fois. Avec La Princesse Noire, il nous emmène à la rencontre du peuple viking, post-christianisation, à une époque charnière où les anciens mythes côtoient la nouvelle religion. Inga, jeune orfèvre, incarne cette dualité, son père, ancien pillard des mers lui a enseigné ses croyances en Odin, Thor etc… sa mère convertie au christianisme, la pousse vers une vie citadine confortable, mais Inga est enlevée et vendue comme esclave à une étrange châtelaine sur une île où plus qu’ailleurs encore, on vit dans la superstition et les anciennes traditions du panthéon nordique.

Bien écrit et bien documenté, ce roman nous offre le frisson du récit d’épouvante, l’étonnement d’une bonne intrigue, ramifiée et mystérieuse, et un dépaysement assuré.

Il ne s’agit pas d’images d’Epinal, les terribles guerriers vikings à la base de nombreux récits sont ici abordés d’une autre façon : au crépuscule de leur conquête. Héros ou bourreaux, ils finiront par déposer les armes et rentrer à quai, promettant l’oubli à leurs croyances et à leurs usages guerriers.

Aussi, le temps principal de l’action se passe-t-il à terre, en compagnie de personnages aux motivations tortueuses, cruelles, dans une contrée rude où la loi reste pourtant celle du plus fort. Mais c’est aussi un récit intelligent, sensible, qui fait la part belle à cette force à vivre qu’ont les enfants. L’héroïne, à mi-chemin entre l’enfance et l’âge adulte, incarne, sans ostentation, la tolérance, l’espoir et la raison parmi des êtres marqués et influencés par les drames passés de leur existence.

Un beau récit, une belle aventure à dévorer d’une traite !

[Chronique de lecture ] Au tréfonds du ciel

Cet ouvrage de Science Fiction parait en France en 1999 et reçoit le prix Hugo en 2000. Vernor, coutumier du fait, avait déjà obtenu cette même récompense en 1993 avec un autre roman de SF : Un feu sur l’abîme. Avec Au tréfonds du ciel, Vernor Vinge donne à la littérature imaginaire un chef d’oeuvre en matière de space opera. S’il ne révolutionne pas le genre en déroulant sa trame à travers des galaxies dominées par des descendants terriens se livrant corps et âmes au mercantilisme, s’il est question comme souvent de colonisation planétaire, de domination raciale, si on s’immerge dans un contexte de haute technologie avec le verbiage tributaire de la hard science, on ne peut pourtant pas rester longtemps insensibles aux messages sous-jacents à cette épopée autour d’une étoile mystérieuse : marche-arrêt.

Car Vernor Vinge nous fait grâce d’un style vibrant et malicieux : les données techniques ou astrophysiques les plus complexes nous semblent curieusement abordables après quelques pages sans pour autant nous retirer le dépaysement qu’on attend toujours un peu en lisant un roman de space opera.

Il nous narre la rencontre entre trois peuples, deux espèces (il s’agit même pas des mêmes embranchements ! ) différentes. Et les apparences sont trompeuses, des exploiteurs qui seront exploités, des bourreaux géniaux, des esclaves inconscients de l’être, l’imaginaire de Vernor Vinge agissant comme un miroir, nous renvoyant nos convictions de supériorité anthropomorphique changées en ce qu’elles sont : mensonges et vanité. Nous sommes nous-même les esclaves de nos désirs mercantiles.

Car c’est aussi l’histoire d’une humanité “non humaine” et d’hommes dont l’humanité n’est plus que souvenirs, tant ils ont voyagé vers un seul but et avec une seule loi : celle du marché, de l’offre et de la demande. Des êtres qui n’ont rien d’humains, qui pour beaucoup ont une apparence “monstrueuse” mais qui vivent pourtant dans l’unité à la recherche d’un idéal, tandis que les hommes mille fois plus “civilisés” empêtrés dans une civilisation mercantile errent désenchantés de part l’univers, parcourant des distances fabuleuses sans pour autant voir plus loin que le bout de leur nez.

Une humanité qui a même oublié l’instinct primordial de conservation : donner lieu à une progéniture, tout comme des robots, sans autre ambition que de faire du profit et repousser les limites de leur sphère d’influence commerciale. D’autres hommes incarnent les vices les plus profonds des hommes et agissent avec monstruosité sous couvert du progrès, bien au-delà des questions d’intolérance.

C’est enfin l’histoire d’une impossibilité : l’histoire d’un monde qui se développe et prospère dans les rigueurs d’une étoile moribonde, “à demi vivante”, dans un système qui recèle un défi pour toutes les lois de l’astrophysique connues. Mais le défi n’est-il pas aussi pour l’humanité de l’ouvrage celui-ci : changer à l’envers du cours naturel des choses ? Un message dont le lecteur saura jugé de la résonance en sa propre pensée…

[Chronique de lecture] Les Chroniques des Féals, Mathieu Gaborit

J’ai lu cet ouvrage en version poche « J’ai lu » soit 3 volumes intitulés dans l’ordre : Cœur de Phénix, Le Fiel et Le Roi des Cendres.

La lecture de deux autres ouvrages, Les Chroniques des Crépusculaires et Abyme m’avait laissé de très bons souvenirs, alors c’est avec entrain que j’ai commencé la lecture de cette nouvelle histoire. Mais au final, je m’en suis trouvée déçue.

S’il n’y a rien à dire sur le style : fluide et plaisant, si un imaginaire débordant et original se trouve à la source de toutes les idées de cet auteur, on ne peut que se trouver étonnée de la structuration même de celles-ci au sein d’un récit qui semble précipité, avec des bonnes idées sans suite, d’autres mal exploitées…

Gaborit place l’action dans un monde d’hommes en étroites relations, tant sociales, religieusesn que politiques avec des créatures magiques, les Féals, à l’apparence et au pouvoir étonnant : licorne, griffon… Ceux-là ont été à l’origine de la constitution du M’Onde par leurs batailles qui n’ont cessés que lorsque « leur part sombre » a été séquestrée à l’extérieur d’eux-mêmes. Mais dans l’ombre du M’Onde, existe la Charogne, le royaume des morts dont les ressortissants ne souhaitent qu’une chose : rejoindre le M’Onde et le conquérir. On suit les aventures d’un jeune garçon (du moins dans les deux premiers tomes) qui oeuvrera contre cette menace.

Rien de bien original donc, concernant ce personnage central durant le premier tome qui ressemble à tant d’autres courses poursuites à travers diverses contrées et en compagnie de différents personnages secondaires.

Mais déjà, on se trouve parfois étonné ou désarçonné par la rapidité de certains évènements, à la limite de la vraisemblance, le côté caricatural de certains personnages.

Dans le second tome cela empire, des personnages très accessoires à qui on accorde beaucoup de pages mais qui disparaissent complètement sans qu’on est eu vent de la finalité de leurs desseins pourtant développés par l’auteur, des relations entre personnage qui se nouent très rapidement, qui se révèlent au grand jour, sans presque de signes avant-coureur. Et des passages entiers qui n’apportent rien à l’intrigue principale sinon un éclairage (utile ?) sur l’univers.

Le tome 3 voit culminer tout ces problèmes mais j’y ajoute que l’auteur change à ce moment-là complètement de mode de narration : on a plus un personnage central mais diverses nouveaux personnages dont l’histoire s’alterne dans deux chapitres consécutifs. Notre héro lui « disparaît plus ou moins », nous laissant en compagnie d’un nouveau personnage clé assez anti-charismatique. Et pour finir le récit compte nombre d’incohérences, des liens forcés entre certains évènements, des raccourcis, des choses non élucidées, pour finir sur une chute ni surprenante ni assez bien développée pour qu’elle soit marquante ou simplement… « une chute »

Les quelques ajouts épistolaires de l’auteur à la fin de son ouvrage, me font l’effet d’un rajout forcé : des idées non exploitées qu’il souhaitait absolument mettre sur papier ?

En conclusion, je suis dans l’expectative, tant de belles idées, de matériaux et une exploitation si étrange, si rapide et inégale m’amènent à me poser des questions sur les motivations de l’auteur et sur une possible pression éditoriale (pour finir le bouquin à l’heure ? pour le boucler en un certains nombres de pages ?)