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[Chronique de lecture ] Au tréfonds du ciel

Cet ouvrage de Science Fiction parait en France en 1999 et reçoit le prix Hugo en 2000. Vernor, coutumier du fait, avait déjà obtenu cette même récompense en 1993 avec un autre roman de SF : Un feu sur l’abîme. Avec Au tréfonds du ciel, Vernor Vinge donne à la littérature imaginaire un chef d’oeuvre en matière de space opera. S’il ne révolutionne pas le genre en déroulant sa trame à travers des galaxies dominées par des descendants terriens se livrant corps et âmes au mercantilisme, s’il est question comme souvent de colonisation planétaire, de domination raciale, si on s’immerge dans un contexte de haute technologie avec le verbiage tributaire de la hard science, on ne peut pourtant pas rester longtemps insensibles aux messages sous-jacents à cette épopée autour d’une étoile mystérieuse : marche-arrêt.

Car Vernor Vinge nous fait grâce d’un style vibrant et malicieux : les données techniques ou astrophysiques les plus complexes nous semblent curieusement abordables après quelques pages sans pour autant nous retirer le dépaysement qu’on attend toujours un peu en lisant un roman de space opera.

Il nous narre la rencontre entre trois peuples, deux espèces (il s’agit même pas des mêmes embranchements ! ) différentes. Et les apparences sont trompeuses, des exploiteurs qui seront exploités, des bourreaux géniaux, des esclaves inconscients de l’être, l’imaginaire de Vernor Vinge agissant comme un miroir, nous renvoyant nos convictions de supériorité anthropomorphique changées en ce qu’elles sont : mensonges et vanité. Nous sommes nous-même les esclaves de nos désirs mercantiles.

Car c’est aussi l’histoire d’une humanité “non humaine” et d’hommes dont l’humanité n’est plus que souvenirs, tant ils ont voyagé vers un seul but et avec une seule loi : celle du marché, de l’offre et de la demande. Des êtres qui n’ont rien d’humains, qui pour beaucoup ont une apparence “monstrueuse” mais qui vivent pourtant dans l’unité à la recherche d’un idéal, tandis que les hommes mille fois plus “civilisés” empêtrés dans une civilisation mercantile errent désenchantés de part l’univers, parcourant des distances fabuleuses sans pour autant voir plus loin que le bout de leur nez.

Une humanité qui a même oublié l’instinct primordial de conservation : donner lieu à une progéniture, tout comme des robots, sans autre ambition que de faire du profit et repousser les limites de leur sphère d’influence commerciale. D’autres hommes incarnent les vices les plus profonds des hommes et agissent avec monstruosité sous couvert du progrès, bien au-delà des questions d’intolérance.

C’est enfin l’histoire d’une impossibilité : l’histoire d’un monde qui se développe et prospère dans les rigueurs d’une étoile moribonde, “à demi vivante”, dans un système qui recèle un défi pour toutes les lois de l’astrophysique connues. Mais le défi n’est-il pas aussi pour l’humanité de l’ouvrage celui-ci : changer à l’envers du cours naturel des choses ? Un message dont le lecteur saura jugé de la résonance en sa propre pensée…

[Chronique de lecture ] Des Roses et des Monstres

Il s’agit d’un recueil de nouvelles qui, comme son nom l’indique, nous amène à la rencontre de créatures et d’évènements étranges dans une ambiance aux senteurs de roses et de fantastique.
Edité précédement au Colibri, cet ouvrage vient de reparaître aux éditions Nuits d’Avril, allongé de deux nouvelles supplémentaires.
La très belle illustration de couverture est signée Dorian Machecourt.
17 nouvelles très différentes et pourtant marquantes par les qualités de plume de l’auteur, Estelle Valls de Gomis, son habileté à mettre en scène et en lumière notre 19ème siècle ou des mondes uchroniques qui lui ressemblent, à la ville comme la campagne, de Londres à la Roumanie…

Le mythe du vampire, mainte fois utilisé, s’éveille à d’autres horizons, plus intime, plus proche de nous ou au contraire d’anciennes traditions. 17 nouvelles pour lesquelles les créatures de la nuit se montrent parfois touchantes, souvent cruelles, sont omniprésentes ou à peine des ombres.
La rose, elle-même, est un buisson, un parfum, une simple mention sous la plume de l’auteure ou un personnage à part entière aux épines duquel il vaut mieux éviter de se piquer. Ce qui est beau, n’est pas forcément bon mais l’inverse peut aussi être vrai. Dans l’univers d’Estelle, il y a peu de hasard, mais des destinées qui penchent vers l’immortalité ou la vie éphèmère d’une rose qui s’épanouit un matin pour se faner le soir.
Dans l’univers d’Estelle, il y a toujours du mystère. Des arcanes à demi dévoilées dans ce tome, des crimes et des intrigues, ne trouveront leur pleine conclusion que dans les Gentlemen de l’Etrange (Le Calepin Jaune Editions). Pour deux nouvelles de ce recueil, les chutes sont un peu trop en demi-teinte, on s’y perd, on reste sur sa faim. Pour d’autres au contraire, le texte ouvre vers l’infini, la fantasmagorie et une résonnance qui se poursuit bien après qu’on ait refermé l’ouvrage. Parmi mes préférées : ” Redmond Silverglade“, “Le Banquet de la Rose et du Livre“, “Mademoiselle Rose“, “Princezna Vladislava“, “Le Spectre d’Orlando” et “Centfeuilles, cent Folies“.

Dans ces nouvelles, l’auteur nous fait partager sa vision d’un certain romantisme noir, élégance et cruauté, sa passion pour la littérature fantastique et son amour des belles tournures. love