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Mes lectures SF d’août 2009 : La vérité avant dernière de Philip K. Dick

Je n’ai jamais encore été déçue par un Dick, mais selon Cyril (qui les as tous lus, ou presque) je finirai par tomber sur un qui me plaira moins, peut-être l’un de ceux de sa période « sous influence » très noire et barrée. En attendant, la vérité avant-dernière restera longtemps dans mon top personnel des meilleurs romans SF. Voici quelques-unes de mes impressions ( il y aurait tant à dire ! ) :

 

D’abord ce qui m’épate chez ce monsieur c’est son efficacité première à nous présenter la situation, l’univers, en un minimum de pages et de temps. Sans lourdeur, ni déballage, vous voilà plongé malgré vous dans l’histoire, sans qu’un seul concept ou bizarrerie inhérente au background ne soit vraiment difficile à avaler.  Ensuite, ce que je vais dire va ressembler à un cliché mais ses personnages sont vraiment convaincants et même les plus neutres ou les plus ambigus finissent par nous séduire et avoir notre sympathie sinon notre intérêt. Dick transforme monsieur tout le monde en héros sans le départir de son humanité et de ce qui fait que la personnification opérera tout de même pour le lecteur.

Ensuite, au risque de dévoiler certains pans de l’histoire, je dirai que ce roman quoique teinté de la paranoïa habituelle de l’auteur s’articule néanmoins sur un axe profondément positif : la quête de la vérité. Car l’histoire (le texte) et l’Histoire concernant cette autre Terre prend appui sur un mensonge véritablement énorme qui permet à un minorité de jouir d’un confort divin tandis que la masse trime inconsciente d’avoir la place du dindon, de la farce et du four pour faire cuir le tout.  Ca vous rappelle quelque chose ? Moi, oui, ça doit être pour ça que la paranoïa de Dick ne me gène pas….

Il y a quelque chose d’humaniste aussi, comme chez certains personnages qui vont finalement renier leur position pour faire éclater la vérité et c’est là que Dick s’en tire parfaitement car ces mêmes personnages sont pleins de contradictions et sont victimes tout autant de leur lâcheté que de leur élan chevaleresque. C’est comme dans la vie, même les bonnes actions se payent et les places sont chères au Panthéon.

Je passe sur toutes les trouvailles SF concernant les avancées techniques futuristes, les clins d’oeil historiques ou cinématographiques, c’est toujours de bons goûts, bien documentés et bien trouvés, pour finir sur les nombreux « messages » de ce récit. Tant politiques, écologiques que sociaux, notamment dans le fait que les puissants sont avant tout des requins de la finance, du commerce et des génies de la manipulation des masses grâce aux médias. C’est vraiment un roman d’actualité !

[Chronique de lecture ] Au tréfonds du ciel

Cet ouvrage de Science Fiction parait en France en 1999 et reçoit le prix Hugo en 2000. Vernor, coutumier du fait, avait déjà obtenu cette même récompense en 1993 avec un autre roman de SF : Un feu sur l’abîme. Avec Au tréfonds du ciel, Vernor Vinge donne à la littérature imaginaire un chef d’oeuvre en matière de space opera. S’il ne révolutionne pas le genre en déroulant sa trame à travers des galaxies dominées par des descendants terriens se livrant corps et âmes au mercantilisme, s’il est question comme souvent de colonisation planétaire, de domination raciale, si on s’immerge dans un contexte de haute technologie avec le verbiage tributaire de la hard science, on ne peut pourtant pas rester longtemps insensibles aux messages sous-jacents à cette épopée autour d’une étoile mystérieuse : marche-arrêt.

Car Vernor Vinge nous fait grâce d’un style vibrant et malicieux : les données techniques ou astrophysiques les plus complexes nous semblent curieusement abordables après quelques pages sans pour autant nous retirer le dépaysement qu’on attend toujours un peu en lisant un roman de space opera.

Il nous narre la rencontre entre trois peuples, deux espèces (il s’agit même pas des mêmes embranchements ! ) différentes. Et les apparences sont trompeuses, des exploiteurs qui seront exploités, des bourreaux géniaux, des esclaves inconscients de l’être, l’imaginaire de Vernor Vinge agissant comme un miroir, nous renvoyant nos convictions de supériorité anthropomorphique changées en ce qu’elles sont : mensonges et vanité. Nous sommes nous-même les esclaves de nos désirs mercantiles.

Car c’est aussi l’histoire d’une humanité “non humaine” et d’hommes dont l’humanité n’est plus que souvenirs, tant ils ont voyagé vers un seul but et avec une seule loi : celle du marché, de l’offre et de la demande. Des êtres qui n’ont rien d’humains, qui pour beaucoup ont une apparence “monstrueuse” mais qui vivent pourtant dans l’unité à la recherche d’un idéal, tandis que les hommes mille fois plus “civilisés” empêtrés dans une civilisation mercantile errent désenchantés de part l’univers, parcourant des distances fabuleuses sans pour autant voir plus loin que le bout de leur nez.

Une humanité qui a même oublié l’instinct primordial de conservation : donner lieu à une progéniture, tout comme des robots, sans autre ambition que de faire du profit et repousser les limites de leur sphère d’influence commerciale. D’autres hommes incarnent les vices les plus profonds des hommes et agissent avec monstruosité sous couvert du progrès, bien au-delà des questions d’intolérance.

C’est enfin l’histoire d’une impossibilité : l’histoire d’un monde qui se développe et prospère dans les rigueurs d’une étoile moribonde, “à demi vivante”, dans un système qui recèle un défi pour toutes les lois de l’astrophysique connues. Mais le défi n’est-il pas aussi pour l’humanité de l’ouvrage celui-ci : changer à l’envers du cours naturel des choses ? Un message dont le lecteur saura jugé de la résonance en sa propre pensée…