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[ Ecrire un récit ] le temps de la narration

Issu d’un long questionnement ou des fulgurances de votre instinct, le choix du temps de la narration est important. Le temps, présent, passé, va, dans une certaine mesure, influencer le lecteur. Parce que celui-ci aura des préférences, parce qu’il trouvera vos tournures plus jolies au passé, parce qu’il parviendra mieux à « vivre l’action » racontée au présent.

 

Voici donc quelques idées concernant la question du choix du temps de la narration :

  • Ce choix peut dépendre des choix faits au niveau du style, du type d’intrigue, du point de vue narratif.

On recourt au passé pour : un témoignage, la narration d’une épopée sur plusieurs années, décennies…

On recourt au présent pour : un journal intime, le compte-rendu d’enquête peut se faire au jour, le jour, une aventure riche en action et en rebondissements trouvera avantage à être narré au présent.

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  • Le passé est le temps le plus utilisé pour l’écriture romanesque. Ceci explique et s’explique notamment par le fait qu’il existe un grand nombre de tournures qui n’existent qu’au passé. Le passé avec sa pluralité de temps, permet aussi un plus grand nombre de nuances dans la manière d’amener l’action, de faire des distinctions.

ex : Passé simple versus imparfait selon que l’action a duré ou non. Ces nuances ne sont pas aussi riches au présent bien qu’on puisse user du présent de l’indicatif et en même temps du gérondif pour calquer cet effet. (NB : sur ce point la langue anglaise surpasse la nôtre)

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  • Utiliser celui avec lequel on est le plus habile. C’est du bon sens, mais ce n’est pas négligeable d’en parler, l’écriture est un art et non un sport : la maîtrise est plus importante que la performance.

ex : Le subjonctif présent est souvent plus simple et moins râpeux sur la langue que l’imparfait du subjonctif.

ex : Dans un récit au passé simple, un évènement encore antérieur doit être raconté au plus-que-parfait. Il s’agit de prendre le pli, d’y penser, au risque d’échouer à créer cette concordance de temps qui aide le lecture à comprendre la chronologie de l’histoire.

Même chose quand dans un récit au présent, on raconte un évènement au passé simple… mais étrangement le respect de concordance-là semble poser moins de problème aux auteurs.

 

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  • Dans un même récit, on peut mélanger des parties narratives au passé et d’autres au présent, comme lorsque l’on fait des flashback, qu’on raconte un évènement antérieur à l’action, voire que l’intrigue se situe à plusieurs époques et que l’auteur a choisi de l’écrire en épisodes non linéaires temporellement.

[ Ecrire un récit ] le point de vue de narration

C’est une des pierres de fondation du récit. Du choix du point de vue narratif découle un grand nombre de caractéristiques de votre texte.

Mais d’abord qu’est-ce que le mode narratif ? (J’en avais déjà parlé dans un vieux billet)

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Ecrire à la 3ème personne :

Point de vue externe : Le narrateur, témoin étranger à l’action, la décrit de l’extérieur. Il n’a pas accès aux pensées des personnages. Il reste neutre et aussi objectif que possible.

Point de vue interne : Les événements sont perçus à travers le regard, la sensibilité et le jugement d’un personnage derrière lequel le narrateur s’efface.

Point de vue omniscient : Le narrateur se situe nulle part et partout à la fois. Il sait tout sur l’intrigue et les personnages, leurs pensées, le passé, le futur, ce qui se passe ailleurs au même moment.

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Ecrire à la 1ère personne :

Le point de vue est alors interne. Souvent le narrateur est le héros de l’histoire. Il décrit l’action, sa place dans celle-ci, ses pensées et sensations.

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Quels impacts sur le texte, le lecteur et sur l’auteur ? quelques idées…

  • Un certain type d’intrigue peut requérir l’utilisation préférentielle d’un certain point de vue narratif.

ex : Avec beaucoup de personnages de même importance, vivant l’action séparemment, le plus simple est d’écrire à la troisième personne et d’utiliser un point de vue externe ou omniscient.

Si externe : votre récit s’appuiera davantage sur les actes des personnages.

Si omniscient : vous pourrez rendre compte des processus de pensées, de la psychologie, des émotions et sensations invisibles, votre récit en sera peut-être plus riche ou tout du moins plus habile à créer de l’empathie chez le lecteur.

ex : une intrigue avec un seul personnage principal dans un espace géographique réduit. User de la première personne permettra alors d’enrichir votre texte de sensations et d’émotions invisibles sinon. Cela vous garantira un minimum d’intérêt de la part du lecteur.

ex : Une intrigue avec un héros prédominant.

Ecrit à la première personne, ce texte permettra la meilleure personnification possible du lecteur avec ce héros, mais si celui-ci lui apparait antipathique, le lecteur pourra se désintéresser du texte.

Ecrit à la troisième personne avec un point de vue interne, ce texte permettre aussi de créer l’empathie, de nouer une relation de proximité avec le lecteur sans pour autant lui enlever la possibilité de haïr réellement le héros.

 

  • Ecrire à la première personne peut entrainer plus de fautes. Très nombreux sont les gens à avoir du mal à différencier le passé simple de l’imparfait, à la première personne du singulier.

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  • Ecrire à la troisième personne permet, sur le long terme, une distanciation de l’écrivain par rapport à ses héros, ce n’est pas négligeable lorsque vous menez de front plusieurs récits ou si vous craigniez après coup de créer des héros toujours identiques, qui vous ressemblent toujours un peu trop.

[ Ecrire un récit ] le format : nouvelle ou roman ?

Avec cette série de billets consacrés à l’art écrit, je parlerai essentiellement de l’écriture de fiction en prose.

L’idée m’est venue grâce à mes travaux de corrections ou à mes participations à des comités de lecture. Les méthodes que j’utilise pour écrire me sont inspirées autant par mes lectures que par mes corrections, car il est, comme de juste, plus facile de déceler la paille dans l’œil du voisin que la poutre qui vous traverse le front. Mettre le doigt sur ce qui dysfonctionne dans le texte d’autrui me permet bien souvent de détecter à posteriori mes propres erreurs et insuffisances.

A mon sens, la première question que l’on doit se poser lorsque l’on envisage l’écriture d’un récit c’est d’en déterminer le format. J’entends par format, celui de la nouvelle, de la novella, du roman ou du cycle…

Voici quelques définitions rapides et non consensuelles :

  • nouvelle : depuis la micro jusqu’à la grosse nouvelle ( en général d’une centaine de signes à quelques dizaines de milliers de signes ), il s’agit d’un récit court, souvent à chute, qui présente un évènement limité par des contraintes de temps, de lieu géographique, de nombre de protagonistes.
  • novella : trop grosse pour passer pour une nouvelle, trop courte pour être taxée de roman, on raconte un évènement plus long à se nouer et à se dénouer ou avec plus de détails.
  • roman : récit long, l’intrigue principale peut se ramifier en intrigues secondaires, les contraintes de temps, de lieu, etc. sont moins strictes que dans la nouvelle.
  • cycle : roman en plusieurs tomes.

Beaucoup d’amateur se lance à l’aventure sans certitude quant à la forme que va acquérir leur texte.

—Roman, nouvelle ?

— Je ne sais pas, on verra bien, j’écris tant que cela coule…

Nier la nécessité de ce questionnement (comme celui qui a trait au plan, ce que j’évoquerai dans un autre article) équivaut à partir marcher avec des tongs et sans bouteille d’eau… Cela ira bien pour le premier kilomètre, mais après ?

Voici quelques idées, peut-être assez convenues, pour juger de la longueur de son récit et pour répondre à la question du format : 

  • L’histoire se déroule sur des années ou sur quelques heures, quelques mois.
  • L’histoire fait intervenir un seul personnage ou de nombreux protagonistes.
  • L’histoire est un huit-clos ou alors l’histoire s’étend sur une multitudes de mondes.
  • L’histoire s’appuie sur notre réel contemporain ou sur un monde de fiction ou un passé historique qu’il me faudra longuement décrire.
  • Mon plan est long, mon intrigue complexe, j’ai beaucoup d’idées, ou au contraire mon histoire tient en une ligne.
  • J’ai de nombreux messages à faire passer en toile de fond ou bien il s’agit juste d’une histoire simple, d’un trait d’esprit.
  • La chute tient en une ligne ou bien alors je vais devoir longuement « régler » le compte du ou des protagonistes pour retourner à la situation d’équilibre finale.