Archives par mot-clé : contraintes

[ Ecrire un récit ] le format : nouvelle ou roman ?

Avec cette série de billets consacrés à l’art écrit, je parlerai essentiellement de l’écriture de fiction en prose.

L’idée m’est venue grâce à mes travaux de corrections ou à mes participations à des comités de lecture. Les méthodes que j’utilise pour écrire me sont inspirées autant par mes lectures que par mes corrections, car il est, comme de juste, plus facile de déceler la paille dans l’œil du voisin que la poutre qui vous traverse le front. Mettre le doigt sur ce qui dysfonctionne dans le texte d’autrui me permet bien souvent de détecter à posteriori mes propres erreurs et insuffisances.

A mon sens, la première question que l’on doit se poser lorsque l’on envisage l’écriture d’un récit c’est d’en déterminer le format. J’entends par format, celui de la nouvelle, de la novella, du roman ou du cycle…

Voici quelques définitions rapides et non consensuelles :

  • nouvelle : depuis la micro jusqu’à la grosse nouvelle ( en général d’une centaine de signes à quelques dizaines de milliers de signes ), il s’agit d’un récit court, souvent à chute, qui présente un évènement limité par des contraintes de temps, de lieu géographique, de nombre de protagonistes.
  • novella : trop grosse pour passer pour une nouvelle, trop courte pour être taxée de roman, on raconte un évènement plus long à se nouer et à se dénouer ou avec plus de détails.
  • roman : récit long, l’intrigue principale peut se ramifier en intrigues secondaires, les contraintes de temps, de lieu, etc. sont moins strictes que dans la nouvelle.
  • cycle : roman en plusieurs tomes.

Beaucoup d’amateur se lance à l’aventure sans certitude quant à la forme que va acquérir leur texte.

—Roman, nouvelle ?

— Je ne sais pas, on verra bien, j’écris tant que cela coule…

Nier la nécessité de ce questionnement (comme celui qui a trait au plan, ce que j’évoquerai dans un autre article) équivaut à partir marcher avec des tongs et sans bouteille d’eau… Cela ira bien pour le premier kilomètre, mais après ?

Voici quelques idées, peut-être assez convenues, pour juger de la longueur de son récit et pour répondre à la question du format : 

  • L’histoire se déroule sur des années ou sur quelques heures, quelques mois.
  • L’histoire fait intervenir un seul personnage ou de nombreux protagonistes.
  • L’histoire est un huit-clos ou alors l’histoire s’étend sur une multitudes de mondes.
  • L’histoire s’appuie sur notre réel contemporain ou sur un monde de fiction ou un passé historique qu’il me faudra longuement décrire.
  • Mon plan est long, mon intrigue complexe, j’ai beaucoup d’idées, ou au contraire mon histoire tient en une ligne.
  • J’ai de nombreux messages à faire passer en toile de fond ou bien il s’agit juste d’une histoire simple, d’un trait d’esprit.
  • La chute tient en une ligne ou bien alors je vais devoir longuement « régler » le compte du ou des protagonistes pour retourner à la situation d’équilibre finale.

Quatre conseils pour une soumission

Avec ce message, j’ai un peu l’impression d’enfoncer une porte ouverte, mais n’est-ce pas toujours le cas lorsqu’en toute innocence, on discute d’un sujet mainte fois traité et qui intéresse tous les écrivaillons que nous sommes ?

Tant pis, disons qu’avec cet article, je n’ai d’autre ambition que de créer un petit pense-bête ou de dénoncer quelques idées reçues.

Voici des choses à faire et à ne pas faire quand on soumet un manuscrit à une maison d’édition…

  1. Vous renseigner sur la maison d’édition  :
    1. Visiter les murs, physiques ou virtuels,
    2. Prendre connaissance de leurs modes de fonctionnement, tirage, diffusion,
    3. Etudier leurs publications en librairie, lire un ouvrage paru chez eux, dans le même genre que celui que vous souhaitez leur envoyer, si possible.

       .

       .Première porte : certains d’entre potassent le menu vingt bonnes minutes pour savoir quoi manger, d’autres mettent une heure pour choisir leurs fringues la veille d’une soirée, six mois pour l’achat d’une maison, des années pour l’orientation sexuelle et pour l’épineux problème qui consiste à choisir un éditeur entre les mains bienveillantes duquel on placera le travail d’années ou de toute une vie, euh… quoi ? cinq minutes ? Le temps de trouver une adresse sur le net ou de faire des copier-coller de mail à toutes une liste d’éditeurs trouvés au hasard dans un annuaire de liens ou dans un sujet de forum ? « Ratisser large » ne veut pas dire balancer son manuscrit en aveugle.  crazy

       .

  2. Vérifier que votre manuscrit sera bien reçu :
    1. Les soumissions sont-elles possibles actuellement ?
    2. A quelles conditions ?
    3. Pour quelles collections ?
    4. Quelles consignes d’envoi, de présentation, de taille ou autre, sont imposées ?
    5. On demande un résumé, une biographie, une bibliographie, une simple lettre d’accompagnement ?
    6. En faire plus ou trop, n’est pas bien non plus. Référez-vous scrupuleusement à ce qui est demandé. Exemple : Vous croyez bien faire, être sérieux, en envoyant vos manuscrits en recommandé ? Mais les éditeurs aussi détestent devoir se lever le samedi matin pour aller à la poste, alors qu’ils n’avaient rien demandé de tel… flap

       .

      Même chose en ce qui concerne les mails de trois pieds longs, révélant tous vos espoirs, votre généalogie, le comment et le pourquoi de l’ouvrage que vous avez commis… Il faut se borner à ce qui est stipulé. Dans le doute, précisez que vous pouvez sur demande apporter des tas d’autres informations, cela suffit. .

       .

      Deuxième porte… Autant d’éléments qui semblent rébarbatifs au regard de votre enthousiaste à livrer votre « roman chéri » mais qu’il faut absolument  respecter sous peine d’être disqualifiés bêtement.  Même chez les toutes petites enseignes, on reçoit des dizaines voire des centaines de manuscrits par an. Combien de romans lisez-vous vous-mêmes dans le même espace de temps ? Voilà pourquoi beaucoup de manuscrits sont refusés sans même être lus.

       .

  3. Optimiser la qualité de votre manuscrit :
    1. Etre intransigeant. Ne mégotez pas sur vos relectures et vos corrections. En plus de vos bons vieux dicos et bescherelles, il y a des tas de ressources gratuites en ligne. Lexilogos, Le conjugueur.
    2. Utiliser des logiciels de correction, hélas payants, celui de word, openoffice ou antidote.
    3. Recourir à un avis extérieur : ami, famille sont vos premières cibles, si vous craignez la complaisance, adressez-vous à des collègues d’ateliers d’écriture, des communautés d’auteurs en herbe, des initiatives comme les bêta-lecteurs de cocyclics.

       .

      Mais attention ! cela fonctionne au volontariat : un prêté pour un rendu. Ce qui peut d’ailleurs vous apporter un double bénéfice : corriger les autres vous servira à vous corriger vous-mêmes. Réfléchir à la structure du récit d’un autre, vous permettra de mieux la discerner dans votre propre texte.

       .

      Troisième porte… Notez bien que si nous ne sommes pas égaux devant l’éternelle perfection syntaxique nous ne le sommes pas non plus en ce qui concerne les capacités rédactionnelles. Il y en a pour qui le premier jet est rapide et presque parfait, pour d’autres l’écriture est laborieuse, longue et répétitive. Faites-en votre deuil, les facilités s’effacent lorsqu’il n’est plus question que de juger le résultat final et votre talent.  rose

       .

  4. Gérer l’aspect émotionnel :
    1. Rester patient, très patient parfois, cela fait partie du jeu, on ne vous octroiera aucun passe-droit. Mettez le temps d’attente à profit pour écrire un nouveau récit.
    2. Persévérer en cas de refus. La norme est qu’il se compte en dizaine. Ne pas désespérer, les éditeurs ont des goûts très différents. Et vous savez ce qu’on dit des goûts et des couleurs, n’est-ce pas ?
    3. Si vous avez eu des retours argumentés, mettez-les à profit avant une nouvelle soumission. Cela ne signifie pas qu’il faut tout réécrire ou prendre au pied de la lettre les avis et commentaires émis sur votre texte, cela signifie qu’il est peut-être intéressant de vous octroyer une courte période de réflexion sur ce qui a été dit. Vous déciderez alors si les arguments qu’on oppose à votre texte se tiennent ou pas du tout. Mais faire l’autruche, même les autruches elles-mêmes le déconseillent. 4grin
    4. Evitez de faire part aux éditeurs de votre déception, de façon trop virulente. Jouez-la fairplay, dites-vous bien que l’éditeur juge UN texte et non pas celui qui l’a écrit. Ce n’est pas personnel, ce n’est même pas jouissif de dire non, à part pour la minorité dans la profession qui se réclame du sadisme (dans les petites maison, on est plutôt sadomaso : beaucoup de boulot, zéro euro). Cela vous atteint, c’est normal, mais dans ce cas précis la colère rentrée vaudra mieux qu’une explosion qui vous fera passer pour un irascible et égocentrique newbie.

       .

      Quatrième porte…  Si vous grimpez sur vos grands chevaux, vous êtes à peu près sûrs de vous « griller » auprès de l’éditeur en question, voire auprès de ses collègues, car si les auteurs cassent du sucre sur le dos des éditeurs, vous pensez bien que les éditeurs le font aussi. angry .Je pense bien que je vais encore me faire des copains avec ce que je viens d’écrire. 4grin

       .

       .

Sur ce, je vous souhaite à tous  (et à moi aussi, par la même occasion,  tong ) de la chance dans vos recherches d’éditeur.