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[Ecrire un récit] une question de style

Il se pourrait bien que cela soit comme les couleurs et le poivre : tout est affaire de goût et de dosage.

Mais ce que la question du style interroge c’est notre capacité à retranscrire par des mots tout ce qui compose l’histoire, soit, pour schématiser : les évènements et les émotions des personnages.

Le style serait donc à la fois la « couleur » émotionnelle que l’on donne son récit et son piquant, sa pertinence contextuelle.

Assez pour les images, prenons un exemple.

Si j’écris :

« Sans hésiter plus longtemps, il grimpa tout en haut de la colline. Après avoir lâché ses deux sacs sur une grosse pierre plate, l’homme étudia longuement la ligne d’horizon. Pour l’instant, il ne voyait arriver personne. »

C’est différent de :

« Sans plus d’hésitation, la fureur de ses pas le porta au faîte de la colline. L’homme fit choir ses fontes sur un lit de roche, puis son regard perça jusqu’aux confins du monde visible. Nul encore n’était près de le rejoindre. »

Et pourtant, ces deux passages décrivent une même situation. Mais si la première proposition pourrait se rapporter à n’importe quel type d’individu placé à n’importe quelle époque, certains indices nous poussent à croire que la deuxième citation appartiendrait à un récit se voulant rapprocher d’une époque archaïque et que l’homme en question se trouverait à avoir plus de caractère et/ou à se montrer plus volontaire.

Les deux phrases différent notamment par le choix des mots, la structure des phrases.

En réalité, avec d’autres exemples plus aboutis que les miens, on pourrait trouver des différences à tous les étages de la phrase. Voici ceux qui me viennent le plus communément à l’esprit :

– le vocabulaire

– la ponctuation

– la longueur des phrases

– la variation des structures

– la place des mots

– le choix des temps de conjugaison

– le recours au passif, à l’actif

– l’usage de formes nominales, de formes conjonctives…

les figures de style (y compris la « musique des mots »)

Autant d’outils pour bien se faire comprendre, mais aussi pour faire un clin d’œil au lecteur qui saura lire entre les lignes, le style est aussi une signature, des petits cailloux blancs jetés au cour du cheminement créateur.

Être conscient que l’on a ou que l’on doit jouer d’un style particulier permet à l’auteur d’enrichir son texte. Car, pour schématiser, en répondant à la question : « quelle mot choisir pour décrire telle chose ? » l’auteur ne s’en remet pas au hasard, à la facilité, il fait preuve d’une certaine intention auquel le lecteur sera finalement sensible.

 

[Ecrire un récit] Comment débuter : les premiers mots

Ils détonnent, ils marquent, ils happent le lecteur, les premiers mots d’un texte sont très importants.

Ne dit-on pas souvent que seule compte la première impression ? Souvent ce sont les premières lignes qui vont décider le lecteur à poursuivre ou à stopper sa lecture.

Bien sûr, l’histoire que l’on s’apprête à poser sur le papier peut « demander » à commencer de telle ou telle façon, mais avoir conscience des processus mis en place – même instinctivement – peut permettre d’améliorer encore le texte, de varier l’approche sur l’ensemble de notre œuvre. (Cela a un intérêt notamment lorsque l’on rédige un recueil de nouvelles, si toutes les nouvelles débute de façon identique ne risque-t-on pas de lasser le lecteur ?)

Voici donc quelques pistes de réflexions :

  • Avec un style ample et lyrique, on peut commencer par une belle description qui fera à coup sûr naître des images nettes dans l’esprit du lecteur.
  • Avec un style plutôt incisif, nerveux, commencer par un dialogue ou une scène d’action.
  • Si le texte est réaliste, on peut se permettre de ne pas trop décrire le contexte.
  • Au contraire, s’il s’agit d’un monde imaginaire très différent du nôtre ou de notre époque moderne, il faut rapidement poser les premières bases de cet univers avant que le lecteur puisse visualiser, ne pas se faire de fausse idée.
  • Si l’histoire débute par un long statu-quo, user d’un prologue, d’un flash-back ou d’un flash-forward afin d’intriguer le lecteur
  • Si au contraire l’histoire débute par une grosse scène d’action, soyons assez malin pour y assortir des impressions, des sentiments, des sensations afin que le lecteur puisse au moins, même sans le contexte, vivre l’action.
  • Si on commence le texte avec une phrase qui introduit l’idée d’un témoignage, veiller à la concordance des temps, à placer ce témoignage à postériori de l’action pour que le lecteur comprenne vite de quoi il s’agit. Personnellement je ne suis pas « fan » de ce genre d’accroche car elle est très classique, peu originale et souvent assez mal gérée.

Les stratégies ci-dessus peuvent concerner plusieurs paragraphes, si on ressert maintenant le cadre de notre réflexion à la première phrase, aux seuls premiers mots, on peut trouver intérêt à débuter par :

  • une phrase qui choque, porteuse d’une idée dérangeante, violente, obscène ou avec des injures. Ex : « — Mais qu’est-c’que çapeut te foutre ? »
  • une phrase porteuse d’un contresens, d’une idée étrange, bizarre, qui va intriguer le lecteur. Ex : »Ils l’avaient trouvée à l’aube, à cette heure encore grise qui n’appartient pas tout à fait aux vivants. « 
  • une sentence, une morale, un jugement. Ex : « Je suis ce que je suis, ni une jeunesse, ni une héroïne de conte de fée. « 
  • une phrase courte qui sera percutante. Ex : « L’aube dernière arrive. »
  • une phrase longue qui sera lyrique. Ex : « El-Djazaïr… la musique du mot s’apparente à l’ineffable chant du vent d’est, harmonisant aux palmes des dattiers, l’accord de vie, l’accord parfait, entre la terre et la mer. »

Certains lecteurs préfèreront toujours lire les premières lignes d’un ouvrage plutôt que d’étudier le texte de quatrième de couverture, avant de l’acquérir, alors mieux vaut faire tout de suite impression !